L'amitié en voyage

Aujourd’hui, j’ai un peu pleuré.

Nous sommes dans le taxi qui nous emmène à l’aéroport d’Hého, proche du Lac Inlé, Birmanie. Quelques larmes coulent sur ma joue, je ne suis pas très triste, j’ai juste un pincement au cœur. Celui qu’on a quand on dit au revoir à un ami, sans savoir quand on le reverra, ou même si on le reverra un jour. 

Quand on voyage, on rencontre du monde, beaucoup de monde. Des locaux qui veulent nous vendre un bout de tissu ou une course en taxi, ou bien ceux qui vous indique la route avant même que vous ayez fini de déplier votre carte, ou encore ceux qui vous accueillent dans leur guesthouse pour quelques nuits. Mais on rencontre aussi d’autres voyageurs, qui explorent le monde pour plus ou moins longtemps. 

Parfois, après quelques minutes de discussion, ou un diner partagé, on se rend compte que ça ne collera pas, que les personnalités sont trop différentes, ou que les itinéraires ne sont pas compatibles, alors on se dit au revoir et bon voyage. Et puis parfois, on se dit que ça pourrait être sympa de partager un bout de chemin. Et c’est là que commence l’amitié en voyage. Et dans ces moments-là, on a l’impression de connaître la personne depuis toujours. 

On partage le taxi, un diner ou une chambre, pour réduire les frais. On partage ses expériences, tu connais cet endroit ? On dit que c’est magnifique. J’y suis allée, c’est bourré de touristes, mais à côté il y a cet endroit magique, hors des sentiers battus, vas plutôt là-bas. Et ainsi de suite. On partage aussi les galères, le bus en panne en plein milieu de nulle part, l’arrivée à 1h du matin dans un village du bout du monde et la recherche désespérée d’un endroit pour passer la nuit, les routes sinueuses de montagne qui donnent envie de descendre du bus là tout de suite maintenant.

© Julien Fritsch

© Julien Fritsch

On partage surtout un morceau de sa vie, une part importante de souvenirs, qui resteront gravés à jamais, et qu’on aura envie de raconter à la terre  entière en rentrant.

Mais l’amitié en voyage est éphémère, après quelques jours ou bien quelques semaines, les chemins se séparent, chacun doit reprendre sa route. On ne connaît finalement presque rien de l’autre, on n’a pas parlé de la vie par chez nous. On sait simplement que c’est un voyageur. On a parlé de nos expériences d’ailleurs, celles qui permettent d’apprendre beaucoup sur soi-même. Celles qui rendent riche. Et c’est peut-être le plus important finalement.

Quand on se quitte, on échange les contacts, on s’invite les uns chez les autres, tu m’appelleras si tu viens en France ? Et toi, tu viendras visiter mon beau pays ? Evidemment ! Et en plus, on le pense sincèrement dans ces moments-là. Parce que l’émotion est forte, tout est multiplié en voyage, et puis parce que la perspective de visiter un nouveau pays, avec un local, c’est tentant. 

On dit souvent que c’est facile, aujourd’hui, de rester connectés, avec internet et les réseaux sociaux, on est tous en contact les uns avec les autres. Mais finalement, on est quand même bien loin, parce qu’un j’aime sur une photo de temps en temps, ça n’entretient pas les liens. 

Et pourtant… 

On sait au fond de nous que le jour où ces amis rencontrés sur la route enverront un mail en disant je serai du côté de chez toi le mois prochain, on se voit ?, on fera tout notre possible pour organiser un séjour fabuleux à ce visiteur, en mémoire des instants magiques partagés ailleurs.

Parce que l’amitié en voyage, c’est peut-être juste quelques instants partagés, mais ça fait la richesse des voyages, et ce sont ces souvenirs de partage qui restent.